culture de champignons


D'où viennent... mes champignons ?

Je ne trahirai pas ici mon petit coin de cueillette à champignons. Et pour cause : je ne chasse pas le champignon. Je me souviens pourtant de ma grand-mère ramassant des rosés des prés. Et Lilo a bien tenté de m'initier au débuscage des pieds-de-mouton qu'elle cuisine dans l'Appel gourmand de la forêt. Mais non, je me contente pour l'instant de cueillir ortie et pissenlit...
Et puis, je raffole des champignons cultivés. Vous saviez que l'on cultive des champignons en agriculture biologique ? Oui, mais savez-vous comment ? Et avez-vous poussé la curiosité jusqu'à goûter au shiitaké ou au pleurote du panicaut ? Allez, venez. Je vous emmène faire un tour chez les cultivateurs de champignons de Touraine...
champignons bruns et pleurotes
Pourquoi en Touraine ? La totalité des champignons "de Paris" ne provient-il pas de Hollande ? Mais non, un petit village gaullois résiste encore. Dans cette région, la culture des champignons prospérait encore il n'y a pas si longtemps, dans les anciennes carrières de tuffeau creusées dans les coteaux des rivières : elles constituent d'immenses caves sous-terraines, où les conditions de températures douces et stables sont idéales pour la culture des champignons. Mais face aux importations, les champignonnistes se comptent aujourd'hui sur le doigt de la main (ou des deux mains ?) en Indre-et-Loire. Le choix d'un mode de culture biologique et de variétés rares et savoureuses permettent à certains de tirer à nouveau leur épingle du jeu.
Une culture hors sol, menée de A à Z selon une technique japonaise
C'est la première étape de notre voyage, chez Bio-Champi, une société artisanale spécialisée dans la production de champignons. Certaines variétés comestibles (shiitaké, pleurote, pleurote du panicaut) sont commercialisées fraiches, en quelques points très choisis du département. Car la société se consacre principalement à la culture de champignons médicinaux (maïtaké, reishi, et pleins d'autres aux doux noms imprononçables) pour les laboratoires pharmaceutiques.
Ma visite des installations de Bio-Champi remonte à octobre 2010. Cette journée m'a laissé des souvenirs vifs et précis. Je m'étais glissée dans la visite normalement réservée aux adhérents de l'AMAP de La Riche-en-bio. Je les remercie à nouveau de m'avoir tolérée, avec mon appareil photo et mes questions incessantes ! Bio-Champi fournit régulièrement l'AMAP en pleurotes du panicaut, un champignon rare et extraordinairement délicieux que la société est seule à produire en bio en France.  C'est ainsi que Monsieur Zhang nous avait invités, un samedi quand tout y était calme. La pluie ruisselait le long des vitres de la voiture. Nous nous sommes arrêtés à l'entrée barricadée d'un ancien terrain militaire, avec porte automatique, guérite, barbelés le long de la clôture (là, j'invente peut-être...). Monsieur Zhang nous a conduit jusqu'à l'un des bâtiments en béton du site. Les seuls détails colorés dans ce paysage gris et sinistre : des fleurs et les légumes cultivés autour du bâtiment. C'est bien connu : le substrat de champignons fournit le meilleur des composts pour le jardinage !
Bio-Champi Mr Zhang dans son bureauMr Zhang est docteur en microbiologie. Avec sa blouse blanche, sa passion des champignons et de la médecine, il se présente bien plus comme un scientifique que comme un agriculteur. Sa bibliothèque croule sous les ouvrages en anglais sur la composition chimique des champignons médicinaux et leurs effets attestés sur la santé. Mais je n'oublie pas que chercheurs et agriculteurs m'ont souvent impressionnée par leur goût commun de l'expérimentation systématique.
Revenons à nos panicauts : Mr Zhang a réussi à importer des techniques japonaises de culture de champignons, tout à fait inédites en France. Mais aussi à réaliser d'importants investissements pour automatiser une partie du processus. Et à "apprivoiser" la reproduction parfois délicate de souches presque inconnues chez nous, en sélectionnant celles qui donnent les meilleures teneurs en polysaccharides ou nutriments intéressants d'un point de vue thérapeutique.
Où l'on découvre que densité nutritionnelle et saveurs vont à nouveau de pair : les champignons ne sont jamais arrosés. Ils sont d'ailleurs secs et fermes et rendent étonnamment peu d'eau à la cuisson : rien que du goût. 
 Bio Champi remplissage des potsBio Champi pots et couverclesBio champi autoclave
Nous voici dans la première grande salle. Des centaines de caisses en plastiques bleues, remplies de pots en plastiques identiques, sont empilées sur des chariots à roulettes. 
La première machine remplit les pots de substrat. C'est un mélange maison de matériaux végétaux achetés aux alentours et bien sûr non traités : sciure, chanvre et son de blé.
Les pots sont ensuite recouverts d'un couvercle spécial, puis stérilisés à 100 °C pendant 12 h à l'autoclave.
Des pots et des couvercles, il y en a des centaines de milliers. Pourquoi des pots en plastique ? Habituellement, en France, le substrat est composé d'un mélange de compost et de paille et conditionné dans des sacs en plastique souple. Ces sacs ont deux inconvénients : ils sont jetés en fin de culture (et difficile à dégrader). Mais surtout, ils ne supportent pas les températures élevées. Pour les champignonnistes conventionnels, ce n'est pas si grave : le substrat est pasteurisé (à une température plus basse) et stérilisé par des produits chimiques, pour éliminer tout risque de contamination du substrat et pour laisser place nette au champignon désiré. Ici, la stérilisation est obtenue uniquement par le traitement thermique à l'autoclave. En fin de culture, les récipients seront vidés du substrat par une autre machine, puis remis dans le circuit, de façon tourner ainsi 4 à 6 fois par an depuis des années.
J'en profite pour souligner : la méthode de stérilisation du substrat est l'une des différences majeures entre culture bio ou conventionnelle des champignons.
Nos fameux pots, plus petits que les sacs de paille, plus légers et plus résistants que des récipients en verre, sont aussi conçus pour être manipulés en nombres de façon efficace. Car ils vont maintenant transhumer d'une pièce à l'autre, en un imposant troupeau de 2800 têtes.
Bio champi tunnel incumbationBio champi pousse
Je n'ai pas conservé de photo du la salle blanche. Imaginez une pièce vide et immaculée, avec une paillasse de labo. En production, on n'y entrerait qu'après une douche et toutes les précautions nécessaires. Ici, les semences (le "mycellium primaire") sont inoculées dans le substrat stérile, pot après pot. Un travail de fourmi qui occupe 2 à 3 personnes pendant environ une heure. 
Puis, c'est le temps de l'incubation. Dans un long tunnel opaque et chauffé à 20°C, le champignon se développe et remplit tout le pot. Aucun "champignon" n'est visible : ni pied, ni chapeau. Mais si on soulève le couvercle, on aperçoit maintenant que le substrat est entièrement envahi d'un mycelium duveteux et blanc. Après un mois de ce confinement douillet, c'est parti pour la pousse. Direction le bâtiment voisin.
C'est une ancienne chambre froide militaire et monumentale : pas très glamour, mais les murs sont très épais et il est facile de contrôler la température et l'hygrométrie. Une partie de la production est aussi envoyée vers des caves de tuffeau de la région.
Ici, il y a 500 m2 d'étagères. Le régime des champignons : de l'oxygène, de la lumière et une température moins chaude : l'automne, quoi... Encore 3 semaines et l'équipe pourra récolter les champignons. Sur les étagères inclinées poussent les plus grands spécimens. Sur les étagères à l'horizontale, ce sont plutôt les petits champignons en touffe qui sont recherchés.
Bio champi pot

Étonnant, non ?
Vous pouvez aussi aller voir le compte-rendu de cette visite par l'AMAP La Riche en bio, avec de petites vidéos.

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